• juste parce que le poème est très beau, parce que sinon!!!

    je n'aime pas la solitude...

    bonne journée...

    bises de Véro...

     

    La solitude

    (extrait)

    O ! que j'aime la solitude !
    Que ces lieux sacrés à la nuit,
    Eloignés du monde et du bruit,
    Plaisent à mon inquiétude !
    Mon Dieu! Que mes yeux sont contents
    De voir ces bois qui se trouvèrent
    A la nativité du temps,
    Et que tous les Siècles révèrent,
    Etre encore aussi beaux et verts,
    Qu'aux premiers jours de l'Univers !



    Un gai zéphyr les caresse
    D'un mouvement doux et flatteur.
    Rien que leur extrême hauteur
    Ne fait remarquer leur vieillesse.
    Jadis Pan et ses demi-dieux
    Y vinrent chercher du refuge,
    Quand Jupiter ouvrit les cieux
    Pour nous envoyer le Déluge,
    Et se sauvant sur leurs rameaux,
    A peine virent-ils les eaux.

     

    Que sur cette épine fleurie,
    Dont le printemps est amoureux,
    Philomèle au chant langoureux
    Entretient bien ma rêverie !
    Que je prends de plaisir à voir
    Ces monts pendants en précipices,
    Qui, pour les coups du désespoir
    Sont aux malheureux si propices,
    Quand la cruauté de leur sort,
    Les force à rechercher la mort !



    Que je trouve doux le ravage
    De ces fiers torrents vagabonds,
    Qui se précipitent par bonds
    Dans ce vallon frais et sauvage !
    Puis glissant sous les arbrisseaux,
    Ainsi que des serpents sur l'herbe,
    Se changent en plaisants ruisseaux,
    Où quelque Naïade superbe
    Règne comme en son lit natal,
    Dessus un trône de cristal !



    Que j'aime ce marais paisible !
    Il est tout bordé d'alisiers,
    D'aulnes, de saules et d'osiers,
    A qui le fer n'est point nuisible.
    Les Nymphes y cherchant le frais,
    S'y viennent fournir de quenouilles,
    De pipeaux, de joncs et de glais ;
    Où l'on voit sauter les grenouilles,
    Qui de frayeur s'y vont cacher
    Sitôt qu'on veut s'en approcher.


    Là, cent mille oiseaux aquatiques
    Vivent, sans craindre en leur repos,
    Le giboyeur fin et dispos,
    Avec ses mortelles pratiques,
    L'un, tout joyeux d'un si beau jour,
    S'amuse à becqueter sa plume ;
    L'autre alentit le feu d'amour
    Qui dans l'eau même se consume,
    Et prennent tout innocemment
    Leur plaisir en cet élément.



    Jamais l'été, ni la froidure
    N'ont vu passer dessus cette eau
    Nulle charrette ni bateau,
    Depuis que l'un et l'autre dure ;
    Jamais voyageur altéré
    N'y fit servir sa main de tasse ;
    Jamais chevreuil désespéré
    N'y finit sa vie à la chasse ;
    Et jamais le traître hameçon
    N'en fit sortir aucun poisson.



    Que j'aime à voir la décadence
    De ces vieux châteaux ruinés,
    Contre qui les ans mutinés
    Ont déployé leur insolence !
    Les sorciers y font leur sabbat ;
    Les démons follets s'y retirent,
    Qui d'un malicieux ébat
    Trompent nos sens et nous martyrent ;
    Là se nichent en mille trous
    Les couleuvres et les hiboux.



    L'orfraie, avec ses cris funèbres,
    Mortels augures des destins,
    Fait rire et danser les lutins
    Dans ces lieux remplis de ténèbres.
    Sous un chevron de bois maudit
    Y branle le squelette horrible
    D'un pauvre amant qui se pendit
    Pour une bergère insensible,
    Qui d'un seul regard de pitié
    Ne daigna voir son amitié.



    Aussi le Ciel juge équitable,
    Qui maintient les lois en vigueur,
    Prononça contre sa rigueur
    Une sentence épouvantable :
    Autour de ces vieux ossements
    Son ombre, aux peines condamnée,
    Lamente en longs gémissements
    Sa malheureuse destinée,
    Ayant pour croître son effroi
    Toujours son crime devant soi.



    Là, se trouvent sur quelques marbres
    Des devises du temps passé ;
    Ici, l'âge a presque effacé
    Des chiffres taillés sur les arbres ;
    Le plancher du lieu le plus haut
    Est tombé jusque dans la cave,
    Que la limace et le crapaud
    Souillent de venin et de bave ;
    Le lierre y croît au foyer,
    A l'ombrage d'un grand noyer.



    Là dessous s'étend une voûte
    Si sombre en un certain endroit,
    Que, quand Phébus y descendrait,
    Je pense qu'il n'y verrait goutte ;
    Le sommeil aux pesants sourcils,
    Enchanté d'un morne silence,
    Y dort, bien loin de tous soucis,
    Dans les bras de la Nonchalance,
    Lâchement couché sur le dos
    Dessus des gerbes de pavots.


    Au creux de cette grotte fraîche
    Où l'Amour se pourrait geler,
    Écho ne cesse de brûler
    Pour son amant froid et revêche ;
    Je m'y coule sans faire bruit,
    Et par la céleste harmonie
    D'un doux luth, aux charmes instruit,
    Je flatte sa triste manie,
    Faisant répéter mes accords
    A la voix qui lui sert de corps.



    Tantôt, sortant de ces ruines,
    Je monte au haut de ce rocher,
    Dont le sommet semble chercher
    En quel lieu se font les bruines ;
    Puis je descends tout à loisir,
    Sous une falaise escarpée,
    D'où je regarde avec plaisir
    L'onde qui l'a presque sapée
    Jusqu'au siège de Palemon,
    Fait d'éponges et de limon.



    Que c'est une chose agréable
    D'être sur le bord de la mer,
    Quand elle vient à se calmer
    Après quelque orage effroyable !
    Et que les chevelus Tritons,
    Hauts, sur les vagues secouées,
    Frappent les airs d'étranges tons
    Avec leurs trompes enrouées,
    Dont l'éclat rend respectueux
    Les vents les plus impétueux.



    Tantôt l'onde, brouillant l'arène,
    Murmure et frémit de courroux,
    Se roulant dessus les cailloux
    Qu'elle apporte et qu'elle r'entraîne.
    Tantôt, elle étale en ses bords,
    Que l'ire de Neptune outrage,
    Des gens noyés, des monstres morts,
    Des vaisseaux brisés du naufrage,
    Des diamants, de l'ambre gris,
    Et mille autres choses de prix.

     

    Tantôt, la plus claire du monde,
    Elle semble un miroir flottant,
    Et nous représente à l'instant
    Encore d'autres cieux sous l'onde.
    Le soleil s'y fait si bien voir,
    Y contemplant son beau visage,
    Qu'on est quelque temps à savoir
    Si c'est lui-même, ou son image,
    Et d'abord il semble à nos yeux
    Qu'il s'est laissé tomber des cieux...


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  • LE MYTHE DE TALIESIN

      

     

    Il était une fois, et il n'était pas, en pays de Pennlyn, terre du souverain Tegid Voel Le Chauve, une femme d'une grande beauté, pleine de talents et de grands savoirs sur les choses secrètes. Cette femme avait pour nom Cerridwen est était l'épouse même de Tegid Le Chauve

    De leur union naquirent trois enfants, Creiwyl une enfant magnifiquement belle comme sa mère, Morvran et AfangDu l'enfant le plus laid du monde. C'est pour sa laideur que Cerridwen semble le chérir plus que les autres, c'est pour sa laideur qu'elle cherche les magies les plus fortes, les filtres les plus secrets. Cet enfant laid lui hante le cœur et son amour pour lui désire le sauver de son infortune. A force de quête Cerridwen trouve enfin le moyen de compenser la laideur de l'enfant par la possibilité d'acquérir le savoir primordial. A cet effet elle prépare le chaudron de la connaissance et d'inspiration qui doit bouillir durant une année et un jour.. Elle sait, que trois gouttes de ce breuvage donné à l'enfant seront pour lui l'inspiration divine, celle qui illumine l'âme, promet tous les savoirs et tous les dons. Son fils alors n'aura plus à rougir de sa laideur puisque la beauté de l'âme lui sera donnée.

    Le temps passant à faire bouillir le breuvage la Reine met à sa surveillance un jeune homme du nom de Gwyon Bach, ainsi qu'un vieil aveugle du nom de Mordra. Ils doivent ensemble veuillez à ce qu'il y ait toujours du feu sous le chaudron et que le liquide ne déborde pas. Ainsi font-ils, car Ceridwen, tout aussi belle soit elle peut avoir de terrible colère. Une année est passée, le cycle rond du temps a bientôt fermé sa boucle et le temps du breuvage arrive pour Afgdu.

    Ce jour là Cerridwen est en quêtes d'herbes et de plantes magiques. Gwyon et Mordra discutent et discutent tant qu'ils ne voient pas le breuvage gonfler, buller de plus en plus, comme une grosse soupe enfin trop chaude qui pouffe des vapeurs. Trop tard le liquide jailli, saute, éclabousse tant et si bien que surpris Gwyon n'ayant pas eu le temps de s'écarter s'y brûla la main.

    La douleur est terrible, le feu, le chaud est là, l'instinct porte sa main à la bouche Trois gouttes de magie le touche tout entier, pénètre par sa bouche. La lumière, la chaleur l'envahit tout entier comme un soleil nouveau, Gwyon est ébahi, choqué : n'a t-il pas bu là les trois gouttes réservées à Affgdu ? Et Gwyon, la tête soudain remplie de savoir, sait, voit, comprend la colère de Cerridwen. : il doit fuir !

    La colère de Cerridwen fut terrible, elle cria, hurla, frappa la terre de ses talons, frappait tous ceux qui passait à sa portée, elle n'épargna pas Morda. On l'entendit jusqu'au bout des pleines, en haut des montagnes, le long des rivières du royaume. Ses larmes se mélangeaient à ces cris et tous tremblaient en l'entendant.

    Ivre de rage et de chagrin la Reine parti à la recherche de Gwyon pour le châtier. Terrifié, l'enfant se cachait , entendit les cris, les menaces professées dans la colère. Alors qu'il entendait son pas plus proche, faisant appel à sa sagesse toute neuve, il se transforma en lièvre espérant courir si vite qu'elle ne pourrait le rattraper. Peine perdue Cerridwen était bien savante elle aussi des choses de magie et elle se transforma en lévrier. Ainsi elle courrait aussi vite, plus vite et l'approchait toujours plus. Prenant son élan Gwyon se change en poisson et Cerridwen devient loutre, Gwyon oiseau Cerridwen faucon. Toujours armé de son pouvoir de métamorphose Gwyon devenant grain se cache dans un tas de blé. Cerridwen devint immédiatement poule noire et avale les grains et par là - même Gwyon.

    A l'aube d'un autre jour la Reine vois la grosseur de son ventre. Alors que son mari Tegid Le Chauve est parti combattre les pirates Gaëls et établir des fortifications le long des côtes, elle comprend immédiatement ce qui lui est arrivée. Cet enfant qu'elle attend ne peut être que le jeune Gwyon, la graine qu'il était devenu et qu'elle avait avalée, et se prépare à une deuxième naissance. Keridwen, le jour venu, va seule mettre au monde l'enfant Cet enfant est tellement beau que lorsque ses yeux croisent les siens, elle ne peut se résoudre à l'éliminer afin de le cacher aux yeux du monde, et lui construit une sorte de couffin tressé en joncs et en mousse qu'elle confie à la bienfaisance des eaux d'une rivière qui, loin de là, va mélanger ses eaux à celles de l'océan…

    Neuf jours et neuf nuits durant, Gwyon fut ballotté au gré des flots mais sans jamais pleurer. Il n'éprouva ni la faim, ni la soif, car l'eau de la pluie prenait soin de le désaltérer et de tous petits poissons de sauter hors de l'eau pour rejoindre directement sa bouche. Au soir du dixième jour il arriva en vue d'une terre, celle du roi Gwyddno, connu pour posséder l'une des treize merveilles du royaume, un filet qui, chaque soir qu'il est mis à l'eau, rapportait suffisamment de poisson pour nourrir toutes les bouches du clan, et même plus. Gwyddno avait un fils, Elfin, un des garçons les plus malheureux et infortunés qui soient, et qui, ce soir-là, avait par son père été chargé de relever le filet, afin de lui porter chance.Habitué à son infortune il ne fut pas surpris lorsqu'il releva le filet et qu'il n'y trouva que le couffin tréssé et aucun poisson. Dans ce couffin, il y vit Gwyon, et Elfin fut si ébloui par sa beauté qu'il le nomma Taliesin et repris courage et ardeur en revenant chez lui. Son père, s'il commença par se lamenter de ce qu'Elfin n'avait rien pêché pour nourrir le clan, fut lui aussi sous le charme quand il vit le bébé.Et il le fut plus encore lorsque rassasié et réchauffé, le bébé entreprit de leur conter son histoire, celle de Gwyon Bach et Keridwen, et ce, sous la forme d'un chant aux sonorités parfaites.

    Puis Taliesin prit la parole :

    " Grand merci à toi, Elfin, de m'avoir ainsi recueilli et accueilli. Entend maintenant que tu ne le regretteras pas car je suis Taliesin et si bientôt mon nom brûle parmi les innombrables étoiles du ciel, crois bien que je ne serai pas ingrat et que tu trouveras avec moi une récompense à la hauteur de ta gentillesse. " Taliesin passa quatre années dans la maison d'Eflin, quatre années qui le virent passer d'enfant, au jeune homme qu'il est aujourd'hui au grand émerveillement des gens du roi Gwyddno. Tout ce temps, il s'appliqua à égayer son bienfaiteur qui, de timoré et voûté qu'il était, devint peu à peu un homme de compagnie agréable et de bonne conversation.

    Vint un jour d'automne où Elfin les quitta, ayant été invité par son oncle Maelgwin Gwynedd à séjourner sur ses terres, à Degawny.Alors qu'il se trouvait là-bas, en compagnie des hommes de son oncle, à recevoir le boire et le manger, tout en écoutant les bardes chanter la gloire de ce dernier. Elfin, à qui la boisson avait fait perdre un peu la tête, se vanta d'avoir barde plus talentueux et femme plus fidèle que quiconque à Degawny.. Son oncle, entra dans une colère rouge, le fit jeter en prison, puis envoya Rhun, son fils illégitime, un jeune homme d'une beauté à laquelle aucune femme ne résistait, avec pour mission d'aller séduire la femme d'Elfin. Mis au courant de tout le stratagème, Taliesin, alla trouver sa protectrice pour tout lui raconter et lui proposer de la remplacer par une servante qui endosserait ses vêtements et ses bijoux. Rhun coucha donc avec la servante et, au petit matin, lui trancha le doigt qui portait l'anneau d'Eflin, avant de s'enfuir en direction de Degawny. Là, on fit sortir Elfin de prison pour lui montrer la preuve de l'infidélité de son épouse. Il répondit : " Ah !! Ce doigt est trop petit, son ongle est sale, et il porte encore les traces du pétrissage du seigle, ce ne peut être celui de ma femme !! " Maelgwin, furieux, fit remettre Elfin en prison, sous les yeux de Taliesin, car il avait suivi Rhun en secret lorsqu'il s'était enfui.

    Plus tard dans la soirée, et sous la conduite d'Heinin leur chef, les trois bardes de Maelgwin se préparèrent à chanter pour apaiser le courroux de leur roi. Mais Taliesin leur avait joué un tour à sa manière, et ne sortirent de leurs bouches graisseuses que des " bleub bleub " maladroits et autres sons grotesques. Puis Taliesin s'avanç, fit connaître à tous sa présence, et, pour mieux confondre les bardes de Maelgwin, se mit à chanter avec une telle force que son chant déclencha une tempête qui s'apaisa aussitôt les dernières notes retombées. Maelgwin, reconnaissant alors qu'il surpassait tous ses bardes et probablement tous ceux du royaume, fit amener Elfin dont il fit tomber les chaînes L'oncle et le neveu désormais réconciliés, Taliesin conseilla à Elfin de prétendre qu'en plus de la femme la plus fidèle et du barde le plus talentueux, il avait également le cheval le plus rapide, ce qu'il fit.. Trois jours plus tard, une course était organisée et Taliesin alla trouver le coureur de Elfin et le muni de 24 branches de houx brûlées en lui donnant pour instruction d'en frapper chaque cheval qu'il dépasserait avant de jeter son manteau là où le sien ferait un faux pas.

    Ainsi fut fait et après qu'Elfin eut remporté la course, Taliesin l'emmena là où était tombé le manteau en lui conseillant de creuser à cet endroit précis.Il y trouva un chaudron remplit d'or et, s'étant acquitté de sa dette, lui ayant établi considération et richesse, Taliesin quitta Elfin.. C'est ainsi que Taliesin parcouru les terres du monde pour y trouver le sujet de nouvelles chansons et parfaire sa connaissance en toute chose…

     

    Extrait de Le livret du Barde de Syd…


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  • Une histoire d’autobus et de rentrée scolaire...

    Les rentrées scolaires ne se déroulent pas toutes comme on le voudrait… Il arrive même que cette journée importante devienne une source d’inquiétude, comme nous le raconte Jean-François Bourassa.

    Fée-Bouclée s’est toujours servi du jour de son entrée en maternelle comme point de repère pour la majorité de ses accomplissements. Alors qu’elle entendait pour la première fois son pipi déferler dans la cuvette, elle faisait déjà allusion à son entrée à l’école qu’elle voyait se rapprocher davantage. En effectuant ses premiers coups de pédales et ses premières longueurs de piscine, elle trépignait d’impatience puisqu’elle sentait l’école à sa portée. Elle affichait une assurance déconcertante, car, depuis longtemps, elle s’était préparée en fonction de ce moment charnière de son développement. Tout devait être parfait pour assurer la rentrée scolaire de ma fillette.

    Ma conjointe et moi avons mis en place une série de dispositions pour simuler et vulgariser chacune des possibilités susceptibles de décontenancer la demoiselle. Visite de l’école, balade en autobus, cours intensif sur l’utilisation de la boîte à lunch… Rien n’avait été laissé au hasard. Notre princesse s’était même confectionné une fiche d’identité plastifiée comportant adresse et numéro de téléphone à porter autour du cou. Ma fille débordait de confiance alors que l’anxiété envahissait graduellement ses parents.

    Dès les premiers rayons de soleil au matin du grand jour, Fée-Bouclée s’est faite coquette avant même de nous réveiller. Elle a pris soin d’endosser son sac d’écolière avant de déguster son petit déjeuner. Elle m’a extirpé du lit, une heure à l’avance, afin que je l’accompagne à l’arrêt d’autobus. Elle ne voulait pour rien au monde rater cette journée dont on lui avait tant vanté l’importance. Elle fixait l’horizon dans l’attente fébrile du véhicule jaune pendant que ma fierté de père exaltait sous le regard du voisinage qui concluait que ma gamine avait désormais grandi.

    Je ne tarirai jamais d’éloges vis-à-vis la patience légendaire que la Fée-Bouclée a démontrée par ce matin de canicule. L’autobus 471 tardait… au point de ne jamais se présenter au rendez-vous! Alors que je la conduisais en voiture, ma fille s’est mise à pleurer à chaudes larmes. Elle se sentait coupable d’avoir raté un moment aussi important. Avant de la laisser affronter l’école, je l’ai serré très fort dans le but de la rassurer. Après l’avoir embrassé tendrement sur la joue, elle s’est rapidement ressaisie pour affronter, avec un peu de retard, son milieu scolaire.

    En fin de journée, alors que je me suis pointé à l’école pour récupérer ma petite Fée, elle s’apprêtait à grimper à bord de l’autobus. Surprise de ma présence, elle refusait obstinément de m’accompagner en voiture puisqu’elle voulait réparer la lacune de la matinée et faire le trajet en autobus. Elle désirait dompter le monstre jaune une fois pour toutes et vivre l’expérience qui avait été compromise. Résigné, j’ai regagné ma résidence en toute confiance puisque je la savais en parfait contrôle de la situation.

    Devant notre maison située à peine à deux kilomètres de l’école, je faisais les cent pas. Je tentais de m’expliquer comment un si court trajet pouvait prendre plus de deux heures et demie.   Le transport accumulait du retard et même si l’école tentait de se faire rassurante au téléphone, ma nervosité était palpable pour tout le voisinage. Paniqué, je me suis dressé au milieu de la rue pour bloquer chaque autobus qui passait pour vérifier si ma fille s’y trouvait. Les véhicules scolaires commençaient à se faire rares et mon inquiétude croissait chaque seconde.

    À mon grand soulagement, l’engin flamboyant s’est finalement présenté avec sa dernière passagère exténuée par la chaleur accablante. La porte à peine ouverte, le chauffeur m’a avoué candidement avoir négligé de prendre connaissance du trajet de la nouvelle année…

    Toutes les familles ont des anecdotes liées à la rentrée scolaire et peu importe notre préparation, nul n’est à l’abri de tels cafouillages. Chacun réagit à sa façon. Il n’y a pas de mode d’emploi. On peut crier notre mécontentement au chauffeur, à la direction de l’école, à la commission scolaire, aux médias, au député… 

    Je m’apprêtais justement à faire connaître mon désarroi lorsque la Fée Bouclée s’est jetée affectueusement dans mes bras. Cette fois, c’est elle qui tentait de me réconforter. Elle me serrait avec toute l’énergie de ses petits bras. Elle tentait de me transmettre la force dont elle avait fait preuve pour traverser avec brio sa première journée d’école. Un petit baiser sur ma joue et toute mon amertume s’est dissipée instantanément. J’ai quitté l’autobus sans dire un mot en transportant ma princesse jusqu’à son château.

    Ma fillette est devenue une grande fille et c’était maintenant à mon tour de le réaliser.

    Par Jean-François Bourassa, papa
    Père de trois enfants en bas âge, Jean-François Bourassa a vu sa vie se métamorphoser au cours de la dernière décennie. Après des formations en créations littéraires et scénarisation cinématographique, il œuvre la nuit dans un domaine diamétralement opposé. Assistant également sa conjointe responsable de service de garde en milieu familial, sa personnalité est désormais marquée et influencée par la présence perpétuelle d’enfants dans son petit univers. Il nous livre sous forme de chronique ses états d’âme entre deux changements de couches.


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